04 décembre 2009

Paul Jorion : Bien fait pour leur pomme !




Vous avez dû suivre cette affaire : un ou plusieurs hackers sont parvenus à pénétrer les archives du CRU (Climate Research Unit) à l’Université d’East Anglia à Norwich en Grande-Bretagne. Le CRU, je vous le rappelle, est un groupe de travail qui affirme avoir mis en évidence le réchauffement climatique et la responsabilité « anthropique » dans ce réchauffement.

Qu’a-t-on découvert dans ces archives ? La preuve apparemment que ce groupe a trafiqué / falsifié sa recherche. On y trouve en effet la trace de quantité de sous-entendus, de manœuvres douteuses et autres coups tordus.

Les hackers affirment qu’ils ont ainsi apporté la preuve que le réchauffement climatique et son origine anthropique sont un faux, une machination. Est-ce bien le cas ? Difficile à dire, mais probablement non : ce que l’on découvre en réalité dans ces messages piratés, c’est la pratique quotidienne des scientifiques, à savoir, et dans le désordre : « cliquisme », mauvaise foi systématique, barrage corporatiste contre les idées hétérodoxes, clientélisme, etc. etc. Rien de plus en réalité que l’ordinaire des milieux universitaires.

Durant ma carrière dans la finance, on m’a souvent dit : « Vous avez dû être choqué par la manière dont on se conduit dans les milieu des affaires ! » Et ma réponse a invariablement été : « Hélas non : c’est bien pire dans l’université ! »

Une anecdote datant d’il y a bien longtemps (1979). J’avais écrit un article où je comparais les conceptions de W.H.R. Rivers, l’un des pères fondateurs de l’anthropologie de la parenté, à celles de Claude Lévi-Strauss, sur les implications pour les cultures des contacts qu’elles ont entre elles. J’avais soumis mon texte à la seule revue d’histoire de l’anthropologie qui existait à l’époque (il s’agissait d’une revue anglophone). J’avais essuyé un refus. La lettre anonyme (une pratique courante – censée garantir l’objectivité des opinions émises !) qui me l’annonçait offrait une explication vaseuse, où se reconnaissait par ailleurs facilement le style de celui qui dominait alors la discipline « histoire de l’anthropologie » et y bénéficiait en réalité d’un quasi-monopole. L’identité de l’auteur ne faisait aucun doute pour moi et je lui écrivis directement. Je lui dis qu’il était injuste qu’il barre ainsi l’accès de la discipline à de nouveaux auteurs. Il me répondit très brièvement avec une phrase du genre : « À la guerre comme à la guerre ! » Trente ans plus tard, mon article est toujours inédit : je l’ai retrouvé dans une caisse il y a quelques semaines.

Seulement, ce genre de pratiques universitaires, quand d’autres tombent dessus accidentellement, n’apparaissent pas à leurs yeux pour ce qu’elles sont avant tout : pour de la simple bassesse, mais pour ce qu’elles sont aussi, à savoir de la malhonnêteté. Et l’on crie alors au scandale.

C’est fou ce que l’on découvre ces jours-ci de monde – et cela va de Goldman Sachs à Wall Street au CRU en East Anglia – qui ont pris un malin plaisir à creuser leur propre tombe.

Qu’on ne compte pas sur moi pour pleurer sur leur sort : bien fait pour leur pomme !

DU BLog de Paul Jorion