23 novembre 2008

Rachida et la bague à 15000 €




Dans son édition en ligne du 19 novembre l’Express a “révélé” un petit arrangement du Figaro concernant une photo de Rachida Dati, en l’occurrence une jolie bague Chaumet qu’elle porte au doigt a été tout simplement effacée. Est-ce important ?


Comme à la bonne vieille époque de la Pravda la presse française semble adopter la retouche photo comme une manière simple et efficace de reconstruire le réel. Récemment on avait eu droit à la disparition d’un garde du corps de Sarkozy ou encore à l’« allongement » du Président de la République. Il faut dire que contrairement à l’époque lointaine de la Russie soviétique Photoshop permet de faire des miracles en peu de temps.

Evidemment une telle retouche n’a pas l’importance des graves falsifications de l’Histoire que mettaient en œuvre les zélotes du modèle communiste version totalitaire, mais elles ont néanmoins un intérêt.

En effet pourquoi un grand quotidien national prend-il l’initiative d’une telle retouche, puisque apparemment c’est bien le journal qui a pris cette décision. En effet la rédactrice en chef du service photo du Figaro, Debora Altman, a indiqué qu’elle assumait cette « rectification ».

On peut à notre sens avancer une explication simple : un journal national très proche du pouvoir n’a pas voulu lui déplaire et a cru intelligent de faire cette retouche. Le Figaro a anticipé sur les réactions négatives que pourraient entraîner la publication de la photo avec bague et a donc préféré l’enlever. Calcul (doublement) stupide !

Tout d’abord il suffisait de choisir une autre photo ce qui aurait résolu le problème supposé (ce que le Figaro a apparemment fait après coup) ; ensuite c’était faire l’hypothèse que la manipulation ne se verrait pas dans un monde où ce type de pratique est découvert en quelques heures…

Mais pourquoi diable Le Figaro a pensé que la vue de cette bague provoquerait des remous ? On tentera deux hypothèses.

Tout d’abord la bague en question est une bague de prix ; plus de 15 000 euros prix catalogue. Or en ces temps de disette économique et de pouvoir d’achat au frigidaire s’afficher avec des bijoux qui correspondent à un an de SMIC peu ou prou fait un peu mauvais genre. En outre c’est Rachida Dati, symbole de l’ouverture et de la diversité au gouvernement, issue d’un milieu très modeste qui porte la bague. Cette image de luxe étalé ne colle donc pas avec cette jolie histoire et renvoie à la période photos en robe du soir de la Garde des Sceaux dans Paris Match, épisode phare de la phase bling bling des débuts du gouvernement, épisode un peu « too much » comme diraient certains. Le tout intervenant au moment où 534 magistrats expriment leur colère face à l’incohérence de la politique pénale menée par Mme Dati. Mauvaise image et mauvais timing, il fallait donc faire disparaître la bague.

Autre facette de l’histoire : Rachida Dati est enceinte et ne veut pas communiquer sur le nom du père. L’apparition de cette bague à son annulaire (bague Lien, « symbole d’une rencontre amoureuse » selon le site de Chaumet www.chaumet.com) ne pouvait que relancer, à tort ou à raison, les spéculations : Cadeau du futur papa ? Cadeau d’un autre homme ? Là encore au moment où les questions de justice sont très médiatisées c’était focaliser l’attention sur un sujet « people » et renvoyer l’image d’une Ministre finalement plus préoccupé de son sort personnel que de celui de son Ministère.

Au final il s’agit une fois encore de plaire aux puissants ou en tout cas de ne pas leur déplaire, et ce au mépris des lecteurs. Péché véniel mais qui en dit long sur certaines pratiques de la presse française.

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